Jardin de givre
Voyager, admirer la nature et s'exprimer.
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Vous êtes-vous déjà posé la question : pourquoi le plumage du geai bleu est aussi splendide? En observant cet oiseau bondir dans le jardin, on a l’impression que ses plumes changent de teintes, surtout les rémiges, les dernières plumes de l’aile, qui projettent un reflet presque métallique.
Moi oui et j’ai remarqué ce phénomène chez plusieurs autres espèces d’oiseau lors de mes voyages. J’ai cru remarquer que les oiseaux qui portaient les couleurs bleu ou vert et les oiseaux noirs avaient souvent des plumes au reflet particulier. Il suffit de regarder un étourneau sous le bon angle pour voir un arc-en-ciel de couleur irisée à couper le souffle.
Mais quel est le phénomène qui est à l’origine de ces patrons et en quoi est-il différent des couleurs uniformes des autres oiseaux?
Avant tout, faisons un petit plongeon dans le monde de la sélection sexuelle du monde ornithologique.
La sélection sexuelle est un dérivé de la sélection naturelle qui s’applique lorsqu’un sexe (mâle ou femelle) opte pour une option préférentielle lors du choix de partenaire avant la reproduction. Cela peut par exemple, être en lien à la taille de la queue, à la robustesse, à la capacité d’accomplir des rituels spécifiques ou à avoir les couleurs les plus irrésistibles.
Cette sélection dirige le flux génétique. Si une femelle hirondelle sélectionne les mâles en fonction de la taille de leur tectrice (plume de la queue) alors les mâles qui ont les plus longues plumes pourront se reproduire et transmettre leur gène. Souvent, ce phénomène est un proxy pour autre chose. Un proxy est peu comme une « intention instinctive », par exemple la taille des plumes de la queue est liée avec une bonne alimentation et une santé générale de qualité. La femelle sélectionne donc les mâles qui sont en meilleure santé, elle opte pour la qualité afin de transmettre les meilleurs gènes à la génération suivante. Tout cela dans le but de s’assurer un bon fitness, terme que j’ai expliqué dans mon article sur le mutualisme.
Les couleurs sont généralement fortement associées à la sélection d’un partenaire de bonne qualité chez les oiseaux. Voilà pourquoi ont voit souvent des oiseaux de couleurs éclatantes, ils ne cherchent pas à se camoufler des prédateurs, ils ont plutôt évolué pour se faire voir par leur partenaire.
Cette évolution a amené une série de patrons magnifique qui égaye nos yeux d’humains, mais qui réalistement, permet aux oiseaux de charmer leur demoiselle.
Cela me ramène aux couleurs, d’où viennent-elles?
La majorité de la coloration des plumes des oiseaux provient des pigments, les caroténoïdes et les porphyrines pour le jaune, orange, rouge et rose et la mélanine pour les teintes foncées. Les oiseaux obtiennent la majeure partie de ces pigments par leur alimentation. Le chardonneret, par exemple, obtient sa coloration jaune vif en utilisant les caroténoïdes issus des plantes qu’ils consomment.
Mais, il existe une autre façon de faire de la couleur, ont les appels les couleurs structurales. Structurale puisque c’est l’interaction entre la structure de la plume et la lumière qui génère la couleur.
Cette interaction porte le joli nom d’interférence optique. Ce phénomène se produit lorsqu’une onde lumineuse rencontre une surface qui la déconstruit pour réfléchir une ou plusieurs couleurs.
L’iridescence est une forme d’interférence causée par la réfraction de la lumière sur des petites structures qui se situent sur les barbules des plumes. Les barbules sont les ramifications de chaque barbe, les « poils » qui forment les plumes. Si l’on sépare deux barbes sur une plume, on aperçoit les barbules qui agissent comme un zipper, c’est eux qui confèrent l’aspect caractéristique de la plume.
Les structures microscopiques (similaire à des microécailles) agissent comme des prismes et séparent la lumière en une myriade de couleurs chatoyantes. La gorge du colibri à gorge rubis, notre seul colibri du Québec, en est un bon exemple. Si l’on observe sa gorge sous différent angle, on voit différentes couleurs allant du rose au bourgogne. Ce changement est l’une des propriétés fascinantes de l’interférence optique, les structures sur les barbules peuvent renforcer certaines couleurs et en annuler d’autres, créant ainsi un effet visuel saisissant.
Le bleu structural des oiseaux est issu d’une autre stratégie. Ce sont de petites poches d’air dans les barbes qui permettent de capturer les longueurs d’onde associées aux couleurs de l’arc-en-ciel et seulement refléter le bleu. C’est ce type de structure que notre ami le geai bleu utilise. Les différences de teinte proviennent de son mouvement qui fait varier l’angle d’incidence de la lumière entre les poches d’air.
Le vert, quant à lui, provient souvent d’une combinaison des deux techniques pour faire la couleur. Les plumes portent un pigment de caroténoïde qui leur confère une couleur jaune et en plus elle réfléchit la lumière bleu grâce aux poches d’air dans leurs barbes. La couleur bleue à travers un filtre jaune donne donc un beau vert.
Les combinaisons de couleur structurale et couleur pigmentaire se mélangent dans le monde naturel pour permettre de créer des teintes variées qui combinent le lustre de l’interférence optique à l’utilité des pigments. En effet, les pigments servent à bien plus que l’attraction de partenaire. Ils jouent un rôle dans la protection contre le rayonnement UV et le camouflage. Il suffit de tenter de trouver une chouette bien camouflée dans un vieil érable pour s’en rendre compte.
Les couleurs structurales auraient émergé bien après les couleurs issues des pigments. Leur arrivée aurait, cependant, révolutionné le monde de la couleur chez les oiseaux. Le développement de nouvelles structures dans les plumes aurait ouvert la route pour de multiples patrons de coloration et une incroyable diversification des espèces. On peut le comparer à l’avènement d’une nouvelle technologie humaine qui cause la naissance d’une génération de compagnies prêtes à exploiter cette nouvelle opportunité.
Le plumage majestueux du geai bleu de notre jardin prend une toute nouvelle dimension, il combine des phénomènes physiques à des structures nanoscopiques au service de l’évolution dans une course pour trouver une nouvelle solution aux couleurs.
Références
Maia Villar de Queiroz, R. (2014). The Development and Evolution of Iridescent Colors in Birds (Doctoral dissertation, University of Akron).
Osorio, D., & Ham, A. D. (2002). Spectral reflectance and directional properties of structural coloration in bird plumage. Journal of Experimental Biology, 205(14), 2017-2027.