Jardin de givre
Voyager, admirer la nature et s'exprimer.
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Le Wild West de la grève de Los Santos
Au Panama, la côte de la province de Los Santos est un endroit unique. On s’y sent transporté dans une autre époque. Le paysage est parsemé de colline et de vallons herbeux qui ont été débarrassés de leur jungle pour laisser l’espace aux bétails. Des cowboys y font avancer leur troupeau de bétail avec des cris de gorge gutturale. Juchés sur le dos de leurs chevaux fatigués, ces vaqueros sillonnent les routes défoncées et les chemins boueux pour aller de leur troupeau à leur cabane délabrée qui leur sert d’abris. Leurs familles et leur foyer sont en ville, mais eux gagnent leur vie ici dans ce lieu loin de la civilisation.
Les tortues et les « Droits de la nature »
En février 2023, le président du Panama, Laurentino Cortizo, signe un projet de loi pour la protection légale de la nature. Cette loi garantit une liste de droits qui doivent maintenant être protégés. Parmi c’est droit, on retrouve le droit d’exister, de se régénérer via le cycle vital naturel ainsi que de se faire restaurer et préserver. Cette loi vise plusieurs espèces qui sont des cibles importantes de la conservation. Les tortues de mer y figurent toutes. Les conservationnistes des tortues marines se sont réjouis de cette nouvelle en s’imaginant toutes les nouvelles perspectives pour la protection des tortues. L’une d’elles étant d’avoir des recours légaux pour enrailler le braconnage des œufs de tortues.
Les œufs de tortues dans la culture locale
La consommation d’œufs de tortues fait partie de la culture panaméenne. Ils sont considérés comme un bon apport de protéines relativement faciles à se procurer. Certains y attribuent des vertus aphrodisiaques, malgré que plusieurs recherches aient déjà prouvé que cela a plus à voir aux mythes locaux qu’à des faits scientifiques. Les œufs de tortue de mer n’ont pas uniquement une importance dans l’assiette locale. Des familles qui vivent le long de la côte et qui ont peu de moyens dépendent fortement de cette ressource, et ce autant pour se nourrir que pour les vendre aux plus offrants.
Les retombés de la loi
La loi sur les droits de la nature peut avoir bien des impacts positifs sur les populations de tortues, mais elle vient aussi avec des conséquences. Les recours légaux qui interdisent la collecte des œufs rendent cette activité plus risquée. Cela peut dissuader les braconniers, mais aussi faire augmenter la valeur des œufs et transformer la consommation locale en un trafic incontrôlable. L’augmentation du risque fait augmenter la demande, la loi visant à protéger agit ainsi comme un incitatif au braconnage.
L’hypocrisie de l’écotourisme
Plusieurs organismes dédiés à la conservation des tortues de mer en Amérique centrale utilisent l’écotourisme pour financer leur activité. Des touristes venant du monde entier payent pour venir « sauver les tortues ». Cela leur permet de voyager tout en ayant la conscience tranquille. Cette pratique peut sembler noble. Comment cela pourrait-il être négatif, les gens voyagent et aident la planète, tout le monde y gagne, non?
La réalité peut s’avérer plus sombre que cela. Plusieurs programmes qui se proclament comme des organismes dédiés entièrement à la conservation sont plutôt des trappes à touristes naïfs qui profitent de l’attention internationale des tortues marines.
Ces programmes ne sont pas constitués de personnel scientifique formé et leur objectif n’est pas de voir les populations de tortues revenir à leur état initial. Leur motivation principale est de faire un profit facile et rapide.
Dans les pouponnières à tortue, les jeunes tortues sont souvent gardées dans des vivariums uniquement pour que les touristes puissent les manipuler ou les prendre en photo. Les œufs pour lesdites pouponnières proviennent souvent du même marché noir que les membres du programme se sont engagés à combattre.
Même les organismes locaux bien intentionnés peuvent causer plus de dégâts en installant des pouponnières à tortue. Le déplacement des œufs peut leur causer des dommages et les conditions doivent être spécifiques pour permettre aux maximums d’œufs de se rendre à l’éclosion.
Les experts encouragent la conservation sur les sites de pontes et mentionnent que le déplacement d’œufs dans les pouponnières devrait être effectué en dernier recours.
Et les cowboys dans tout cela?
Loin de leur famille et ami, isolés dans leur cabane de bois exiguë, les vaqueros contemplent le reste de leurs jours. Les bêtes qu’ils surveillent à longueur de journée ne leur appartiennent pas plus que la terre que les sabots écrasent ou que l’herbe que les mufles broutent. Tout cela appartient aux banques, les mêmes qui les engagent et les payent de leur maigre pitance. La possibilité de s’en sortir, de faire assez d’argent pour vivre en ville, semble complètement inenvisageable. Pourtant, une nouveauté se présente à eux, des hommes arrivent en camionnette sur la plage en écoutant du reggaeton à font la caisse. Ils leur demandent d’aller vider les nids creusés par les “tortugas” qui viennent par centaine pour pondre. Ils sont prêts à payer et bien en plus, presque plus que ce qu’ils font à garder les vaches. C’est une opportunité à ne pas manquer…
Trouver une entente
Peu de solutions existent pour cette situation récente et nichée sur les grèves pacifiques du Panama. Ce dilemme peut paraître insoluble et les tortues semblent demeurer perdantes indéfiniment. Pourtant, si l’on regarde ailleurs dans le monde on y voit un défilé d’idée originale qui fonctionne et qui ouvre de nouvelles possibilités. C’est le cas, entre autres, d’une série de projets dans le monde qui visent à donner des alternatives viables aux braconniers afin de leur permettre de bien vivre sans détruire ce qui les entoure.
07/10/2022